LE GENTLEMAN
Une nouvelle de Raphy Cox
Je ne suis pas d'une nature chichiteuse. Mes amis, des gens très bien, pour la plupart brillants et cultivés, vous le diront.
Je suis un gentleman. Un authentique gentleman.
J'insiste sur le "authentique" car il n'est pas de moi. Il est de Maxime, mon meilleur ami.
Maxime est mort d'un cancer du poumon l'année dernière.
L'odeur agressive des produits ménagers de l'hôpital, hante toujours mes narines.
Il me manque terriblement.
Je le vois encore, recroquevillé dans son lit, petit moineau décharné respirant comme un poisson rouge hors de l'eau.
Manifestement ému, il caressait avec une délicate tendresse la cartouche de Malboro light que je lui avais apportée.
Je n'oublierai jamais son regard ce jour là. Un regard usé, mais serein.
C'était le regard d'un homme qui fixe la trogne goguenarde de la mort sans ciller.
Le souvenir de sa voix fluette, bronchiteuse, résonne si distinctement dans ma tête que j'ai l'impression de l'entendre réellement.
- Tu es ... tu es un authentique gentleman, Mich.
- Merci Maxime ... je ...
Je n'ai pas eu le temps d'ajouter quelque chose. Ce furent ses derniers mots. Maxime est le dernier à m’avoir appelé Mich. J'aurais voulu fumer une dernière cigarette avec lui.
Mort, son visage était beau.
Maxime me connaissait bien.
Une bonne éducation, un patrimoine génétique racé, une indulgence naturelle et bienveillante envers mes semblables, tout cela croyez moi, ne laissera jamais aucune prise à la chichiterie.
Néanmoins ma définition du gentleman diffère de celle de mes amis.
Pour moi, un gentleman est d'abord le gardien d'une idée.
Une idée si lumineuse, qu'une fois évoquée, toute ombre de cynisme disparait dans l'instant et à jamais.
Une idée magique donc, darwinienne.
Cette idée, simple, d'une logique implacable, c'est l'idée que l'harmonie entre les êtres est possible.
Cette harmonie sera d'ailleurs l'aboutissement d'une étape majeure de notre évolution.
L'homme apprivoise, c'est sa nature. Viendra le jour ou il apprivoisera ses émotions.
La haine, la colère, la peur, la jalousie, la méfiance, la culpabilité, l'angoisse, seront fossilisées à jamais.
Ce jour là, l'harmonisation collective des âmes marquera le début d'une nouvelle ère.
L'ère des gentlemans.
Bien sûr, Upgrader la conscience de l'humanité prendra du temps, il faudra beaucoup de générations, mais je reste confiant.
Je suis à la fois la preuve et le témoin de notre destinée.
Ma confiance est teintée d'humilité. J'ai bien conscience de n'être qu'un futur possible.
Un futur ou le paradis sera terrestre.
Dans ce paradis, la compréhension infinie de l'humain baignera nos âmes dans les énergies apaisantes du chatoyant grand tout.
Les élégants pas de danse de la poésie lovée au cosmique rythmeront nos vies. Nous ne craindrons plus la beauté.
L'argent, la guerre, la politique, la religion, tous les fruits secs de nos peurs, ce charbon spirituel, témoigneront de la folie de nos ancêtres.
Nous ne vous jugerons pas.
Vous êtes nos pères, nos mères, petites bulles de conscience qui émergent du néant, s'agitant vainement dans les sables mouvants de l'absurdité, paniqués, vos questions sans réponses, larves gélatineuses de vos gènes, brièvement ...
Nous le savons.
Comment vous en blâmer ? Ce n'est pas de votre faute après tout.
Le gentleman est la dernière mise à jour de l'espèce humaine. Il est le chamane de l'amour, la force la plus puissante de l'univers.
Nous sommes encore peu nombreux mais cela ne durera pas.
Je n'en tire aucune fierté. Etre fier du hasard est le premier symptôme de l'imbécillité.
Néanmoins, si il y a bien une chose dans la dilation perpétuelle du chaos qui ne laisse aucune place au hasard, c'est ceci :
Un gentleman ne donne pas, et ne donnera jamais dans le chichi.
S'étonner de l'épilation aléatoire des aisselles de cette pute n'est pas du chichi. C'est de l'étonnement.
Une escort à 5000 euros la journée se doit d'être irréprochable au niveau pileux. Il me semble que c'est la moindre des choses.
Comment expliquer ce manque de conscience professionnelle ? J'ai la désagréable impression d'avoir trouvé un cafard dans un velouté d'asperges. J'en frémis.
- J'ai soif choouu ...
- champagne ?
- champagne.
Elle remet ses écouteurs, les sourcils froncés, absorbée par son sudoku. Je sais qu'elle ne m'a pas regardé. Malgrè ses poils naissants, elle reste belle.
Elle se retourne, expose ses fesses aux morsures du soleil. Je fais tinter la cloche.
Sa musique est trop forte. Le flow robotique de Lil Wayne bourdonne comme un énorme moustique mutant.
Ca jure avec le roulis paisible des vagues, mais elle est jeune, quoi de plus ennuyeux qu'une plage déserte lorsqu'on est jeune ?
Rien, sinon la mort.
Pour contempler avec plaisir ce minimalisme minéral, il ne faut pas avoir un estomac vide d'éxperience.
Sinon, il faut bien le dire, on se fait chier. Les jeunes mangent, les vieux digèrent, Alzheimer constipe.
L'océan plonge dans le ciel. le sable est blanc comme la neige. Les fesses de Cynthia sont écarlates. Vive la France ! Voila Joseph.
- Vous désirez Monsieur ?
- Nous avons soif ! Une Bouteille de Cristal, vous serez gentil.
- Bien Monsieur.
- Givrée.
- Autre chose Monsieur ?
- Ramenez donc ce Petrus, il est foutu.
- Oui Monsieur
- Merci Joseph.
Joseph débarrasse. Un imperceptible mouvement de fesses trahit Cynthia. Je sais qu'elle le regarde. Une femme qui s'aère la raie a chaud au cul. Comment lui en vouloir ? Joseph est beau comme un Dieu. Un Ashton Kutcher Libanais couleur caramel. Muscles plats et puissants, attaches fines, veines saillantes, un visage d'enfant dur.
Aucun doute, Joseph doit en avoir une grosse.
Je me replonge dans la lecture du Monde.
Un article sur le voyage de notre Président au Japon. Comme souvent, l'article passe à coté de l'essentiel.
Je n'en démordrai pas.
Pour mettre ses couilles dans un micro onde, histoire de bien montrer comme elles sont grosses à la face du monde, il faut être un aliené.
La politique est une histoire de symboles mais faut pas pousser mémé.
Mes favoris pour la finale du prime ? Sarko le valeureux guerrier et DSK le médecin sorcier. A mon humble avis, Marine restera au porc. Bien profond dans l'urne, ce sera les couilles ou le thermomètre, et l'élasticité de la France est insondable. Revoila joseph.
- Joseph, j'aimerais votre avis.
- Oui Monsieur
- Êtes vous hétérosexuel ?
- Et père de famille Monsieur
- Bien, je voulais l'avis d'un homme qui aime les femmes.
Joseph tend une coupe de champagne à Cynthia d'un geste aristocratique. Impeccable Joseph. Impassible Cynthia, derrière ses lunettes de soleil Channel, il y a un sniper, le viseur braqué sur les couilles de l'apollon.
- Joseph, comment trouvez vous ma femme ?
- Je vous demande pardon Monsieur ?
- Vous avez parfaitement entendu
Joseph regarde Cynthia. Peut-être deux secondes de trop.
- Madame est une très belle femme, vous avez du goût Monsieur. dit-il en me tendant une coupe de champagne.
- Merci Joseph.
- Autre chose Monsieur ?
- Oui Joseph. Voyez vous, ma femme s'ennuie terriblement. Elle s'ennuie lorsqu'elle ne fait pas l'amour. Et malheureusement ... je ne suis plus un jeune homme ...
- Désirez vous un stimulant Monsieur ?
- Non Joseph, c'est très aimable de votre part, mais je suis fatigué. A vrai dire, j'aimerais que vous baisiez ma femme. Là, maintenant, sur cette plage, devant moi.
- Vous plaisantez Monsieur ?
- Pas le moins du monde mon bon Joseph.
- Je suis marié Monsieur.
- Je ne vous demande pas de divorcer.
- Je suis amoureux de ma femme Monsieur.
- Je ne vous demande pas de tomber amoureux de la mienne ! Je vous demande simplement de la baiser.
- Je ... je suis navré, mais je dois refuser Monsieur.
- Voyons Joseph ! Votre femme ne sera jamais au courant.
- Je le serai Monsieur.
- Cela péserait sur votre conscience ?
- Assurèment Monsieur.
- Considerez cela comme un travail, vous aurez le droit à une belle prime, de quoi offrir un beau bijou à votre femme. Votre femme aime les bijoux n'est ce pas ?
- Oui Monsieur.
- Alors, marché conclu ?
- Non, je ne peux pas Monsieur.
- Vous ne pouvez pas ?
- Je ne peux pas Monsieur.
- Si ma femme vous sucait la bite, vous ne pourriez pas avoir d'érection ?
- Je n'ai pas dit cela Monsieur
- Donc vous pouvez !
- Non Monsieur. Je ne pourrais pas le supporter.
- Est ce si terrible ce que je vous demande ? Faire l'amour à une femme superbe sur une plage paradisiaque pour une coquette somme d'argent, est ce si terrible ?
- Ce serait terrible pour moi Monsieur
- Vous êtes cinglé !
- Amoureux Monsieur.
- Amoureux et chômeur, vous êtes viré Joseph, FICHEZ MOI LE CAMP !
Joseph repart penaud. Cynthia enlève ses écouteurs.
- Qu'est ce qui se passe chou ?
- Rien ma puce, la bêtise humaine, juste la bêtise humaine ...
Je me replonge dans la lecture du Monde.
...
Ah ...surprise !
RépondreSupprimerPas mal du tout .
Vous êtes plein de ressources , mon cher Robert .
tl;dr
RépondreSupprimerC'est plutôt bien écrit.
RépondreSupprimersympa, premier billet sans planche, mais sympa quand même.
RépondreSupprimerJ'aime bien la chute .Cynique comme il se doit . Oui , c'est bien écrit .
RépondreSupprimer"Les jeunes mangent, les vieux digèrent, Alzheimer constipe."
RépondreSupprimerJ'aurai dû m'arrêter là, la loose de Raphy suinte bien plus habilement quand c'est lui qui perds.
Et l'anonyme du dessus à tort, la fin est ultra convenue.
Bordel Robbie ! Quand on a tenté de réinventer les hypercomics, on se sort les doigts du cul, même s'il fait beau !
Amour,
KotL.
@ Kotl/
RépondreSupprimerQu'est ce qui est ultra convenu steuplé ?
Suffit pas de balancer que c'est ultra convenu pour que ça le soit . Tiens , ta réponse m'intéresse .
KotL --> Justement, Raphy perd !
RépondreSupprimerLOL
RépondreSupprimerMouarf, j'viens ici pour lire des BD et je tombe sur un pavé de texte.
RépondreSupprimerBon, je l'aurais bien lu.
Mais écrire en serif bold blanc sur fond noir on trouve difficilement mieux pour infliger des maux de tête et pourrir les yeux... bref pas ce que je cherche en venant ici.
Les jeunes mangent, les vieux digèrent, Alzheimer constipe. OK j'adhère ! sinon le coté réflexion a haute voix est sympa, je sais pas si ca tiendrait plus longtemps par contre, c'est vite lassant ..
RépondreSupprimerLa même avec un support images.
RépondreSupprimerLa même avec un support images et cynthia qui se fait prendre par Joseph et d'autres types en gangbang.
RépondreSupprimerBelle expérience Robert. Tu me donnes une bonne leçon d'écriture. J'ai beaucoup aimé la non-transition entre le trip de mich sur son idée du gentleman qu'il est et la manière dont il perçoit les esselles de la pute qu'il s'est payé. Reste a essayer de trouver un sens ou une "morale" à cette nouvelle... Et là je crois que j'ai pas assez de neurones. On a qu'à dire que Mich s'emmerde trop, et qu'il boit... Trop.
RépondreSupprimerVraiment Sympa.
RépondreSupprimerwaw...je savais pas que tu avais autant de style...tu peux franchement te lancer dans l'écriture d'un livre je l'achète sur le champs.
RépondreSupprimerAgréable surprise.
RépondreSupprimerAux anonymes qui me rétorquent que c'est pas convenu:
RépondreSupprimerJ'ai déjà vu ce genre de scène dans des films/séries/bds suffisamment de fois pour que la fin soit quasi évidente, donc ouais, pour moi c'est un ptit délire facile, peu d'inventivité.
Et non j'ai pas de références à donner, je fume du chit et j'ai plus de mémoire des noms.
Bonus track: You're all gay for Robbie.jpg
Je sais pas si dans ton style y'en a trop de ceci ou pas assez de cela, mais en tout cas ça pourrait être mieux.
RépondreSupprimerEnfin t'as du vocabulaire, c'est déjà ça.
Avec un support image et une chute un peu plus innatendue ce serait cool.